Temu, Shein, AliExpress : la France doit cesser de fermer les yeux
Lettre ouverte de la CDF et la CdCF au gouvernement contre la fast-fashion

Tous à la même enseigne
Le 29 avril dernier, la ministre Amélie de Montchalin a levé le voile sur une réalité alarmante : 94 % des produits contrôlés en provenance de plateformes comme Temu ou Shein sont non conformes, et 66 % sont dangereux.
Ces chiffres ne relèvent plus de l’anecdote, mais d’une urgence sécuritaire, environnementale, économique et juridique. Il est temps d’agir. La Confédération des commerçants de France (CDF), le Conseil du Commerce de France (CdCF) ainsi que les principales organisations et acteurs du commerce français appellent donc la DGCCRF engager sans délai une procédure de déréférencement.
La loi française donne déjà les moyens d’action. Le Code de la consommation permet à la DGCCRF, en cas de manquements graves et persistants, d’ordonner le déréférencement, la suspension ou même le blocage de l’accès à un site. Il est urgent pour le gouvernement d’agir pour faire cesser ces manquements.
Ces plateformes chinoises de vente en ligne ne sont plus marginales : elles inondent le marché français de millions de produits à bas prix, souvent non contrôlés, au détriment de la sécurité, de la transparence et de l’équité. Des enquêtes menées par les autorités européennes révèlent que 85 à 95 % des produits proposés sur Temu, Shein et AliExpress ne respectent pas les normes en vigueur dans l’Union européenne.
Le textile et les chaussures, qui dominent l’offre de ces géants, sont particulièrement concernés. D’autres secteurs comme le bricolage, la jardinage, l’électroménager, la décoration, etc. commencent à subir cette concurrence déloyale. Les contrôles révèlent des vêtements contenant des substances interdites, des tenues ou chaussures non conformes, sans traçabilité ni étiquetage réglementaire. Matériaux inflammables, semelles instables, teintures à risque… Ces produits franchissent nos frontières sans filtre.
Et c’est d’autant plus préoccupant que de nombreux articles s’adressent directement aux enfants : tenues, jouets, fournitures scolaires… Ces produits échappent aux règles censées les protéger. Présence de substances toxiques, pièces détachables risquant l’étouffement, absence de marquage CE… La Toy Industry of Europe a déclaré en février 2024 que 100% des jouets testés ne respectaient pas les normes européennes et que 95% d’entre eux présentaient un risque réel pour la sécurité des plus fragiles. En 2025, il est inconcevable que des familles puissent acheter, en toute «confiance», des articles qui mettent leurs enfants en danger.
Mais la menace n’est pas que sécuritaire. Ces plateformes éludent la TVA, échappent aux droits de douane, contournent les périodes de soldes, violent les règles d’étiquetage et de transparence commerciale. Elles tirent un avantage concurrentiel déloyal au détriment des commerçants français, des marketplaces responsables, des PME qui investissent dans la conformité. Le principe de loyauté des transactions commerciales, pourtant inscrit dans le Code de la consommation, est piétiné. Cette distorsion de concurrence est insoutenable et économiquement destructrice.
La Cour de cassation, dans un arrêt de 2023, a levé toute ambiguïté : ces plateformes e-commerce sont des éditeurs, et non de simples hébergeurs. Elles choisissent, organisent, promeuvent les ventes et tirent profit des contenus. Elles ne peuvent plus prétendre à la neutralité. Elles doivent répondre de leurs actes.
Un précédent existe : en 2021, la DGCCRF a décidé le déréférencement de la plateforme Wish. Cette décision, pleinement dans ses prérogatives, a été confirmée par la justice. Le cadre juridique existe, le chemin est balisé. Il est temps de l’emprunter à nouveau.
Le contexte international renforce encore l’urgence. Aux États-Unis, la pression réglementaire s’intensifie. L’Europe devient leur marché de repli. Si la France ne fait rien, elle sera submergée par un tsunami de millions de produits non conformes, à bas prix et dangereux, notamment pour les enfants.
La Confédération des commerçants de France et le Conseil du Commerce de France appellent la DGCCRF à faire appliquer sans délai les procédures prévues par la loi : mise en demeure, puis déréférencement, voire blocage si nécessaire. Protéger les consommateurs, garantir la sécurité des enfants, rétablir l’équité entre entreprises : c’est une question de responsabilité, de courage et d’intérêt général.
L’urgence c’est maintenant. Elle impose d’agir et de ne plus fermer les yeux.
Pierre Bosche, président de la confédération des Commerçants De France (CDF)
Yves Audo, président du Conseil du Commerce de France (CdCF)
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